Blogue
Tout savoir sur le vieillissement des spiritueux

La confection de spiritueux est un art. Si différents spiritueux, comme le gin ou la vodka, peuvent être bus presque à leur sortie de lalambic, dautres, comme le whisky, le brandy ou le rhum brun, nécessitent une période de repos dans des fûts en bois avant d’être dégustés.

Max Coubès – mabuvette.com
3 févr. 2022
Salle Vieillissement Barils
Photo de :
Charles Briand

Au cœur de ce processus, trois ingrédients clés : un spiritueux abouti, des tonneaux (généralement en chêne) et un artisan maîtrisant les techniques de vieillissement et dassemblage.

Voici la petite histoire des pratiques de vieillissement utilisées aux quatre coins du monde. 


L’origine des fûts


Il faut d’abord savoir qu’à l’Antiquité, les tonneaux servaient à transporter le vin, la cervoise et d’autres denrées. Avant, on transportait l’huile d’olive, l’eau potable ou des sauces dans des amphores.

La technique de fabrication des tonneaux de chêne qui consiste à cintrer le bois à chaud a été développée très tôt, notamment par les Celtes, les Phéniciens et les Égyptiens, pour la construction de bateaux. Les premières traces de tonneaux en bois remontent au 6e siècle av. J.-C., en Étrurie, une région de l’Italie centrale. 

Au Moyen Âge, le tonneau s’est répandu dans l’Europe. Le reste du monde a suivi grâce au commerce transatlantique. Aujourd’hui, la production de tonneaux est une industrie en soit dominée par la France et les États-Unis.

Jusqu’au 16e siècle, on ne faisait pas vieillir le whisky; il était vendu et consommé comme une eau-de-vie. À la même époque, des marins anglais se sont mis à utiliser des tonneaux qui contenaient des vins espagnols importés pour transporter leur whisky. Ils se sont alors aperçus que ce mode de transport réduisait l’oxydation, bonifiait le bouquet des whiskies et leur donnait une couleur différente selon le type de tonneau utilisé. Dès lors est adopté le vieillissement en fûts de chêne, un bois préféré aux autres essences pour sa robustesse et son étanchéité. 

La contenance des fûts varie entre 180 et 650 litres et la taille du tonneau affecte directement le goût du liquide qu’il contient. Plus il y a contact entre le liquide et le bois, plus les arômes se développent rapidement. On privilégiera donc des petits fûts si on désire obtenir des arômes plus rapidement. Les alcools peuvent aussi être vieillis dans de plus gros contenants en bois appelés « foudres ». Ces derniers contiennent en moyenne 1000 litres, mais sont plus souvent utilisés pour le vin, la bière ou le brandy.


Les effets du vieillissement sur le spiritueux 


De nombreux facteurs influencent le goût d’un spiritueux vieilli, entre autres l’endroit où les tonneaux sont entreposés, communément appelé le chai. 

La température à l’intérieur du chai est très importante et influence directement la réaction entre le bois et le liquide. On veut éviter un chai trop encombré et chaud; on s’assure que l’air circule bien et on évite que l’alcool s’évapore trop à l’intérieur des fûts. On surnomme cette évaporation naturelle « la part des anges ». Certaines nations, comme l’Écosse ou le Japon, ont des climats plus propices au vieillissement des spiritueux que des pays tropicaux producteurs de rhum. Dans ces pays chauds, les tonneaux peuvent perdre jusqu’à 8 % de liquide par an. 

Les arômes et composantes d’un spiritueux vieilli sont les résultats de réactions chimiques entre l’alcool et les différents attributs du bois. Ainsi, quand le spiritueux mature dans un ou plusieurs fûts, si on dépasse un certain nombre d’années de repos, le bois donne au produit différentes notes gustatives : vanille, fleurs, noisette, noix de coco, chocolat, café ou même fruits exotiques. 

Le vieillissement du spiritueux apporte également une teinte plus ou moins ambrée à l’alcool, en plus d’affiner sa texture. En résulte un produit fini délicat, complexe et de qualité.


La finition


Quand les spiritueux arrivent à maturité, on peut les peaufiner grâce à différentes techniques. Certaines distilleries utilisent le cask finish, comme le fait Cirka avec son Whisky no 2, dont la maturation est complétée en fûts de sauternes. En d’autres mots, le whisky termine sa maturation dans un fût ayant contenu un liquide différent duquel il s’appropriera les arômes spécifiques. Partout dans le monde, pour bonifier leurs nectars, les producteurs de spiritueux sont friands de tonneaux ayant abrité des alcools divers : porto, xérès, cognac, rhum, stout, etc. 

En matière de finition, une autre technique est très répandue, notamment dans le monde du whisky et du rhum : l’assemblage. Cette méthode serait née en Écosse, au 19e siècle. Un des pionniers de l’assemblage est un certain John Walker. L’assemblage consiste à mélanger des spiritueux de différents âges et types issus d’une ou de plusieurs distilleries.

Originellement, cette technique était surtout utilisée pour standardiser les produits lors de la production de masse. De nos jours, l’assemblage est considéré comme un art, et les master blenders sont des experts hautement qualifiés qui viennent d’horizons aussi divers que la parfumerie, la chimie ou l’œnologie. 


Les fûts au Québec

Au Québec, plusieurs distilleries, comme Michel Jodoin, Cirka ou la Distillerie du St. Laurent, proposent déjà des produits vieillis de qualité. Cela dit, de nouveaux alcools sont en cours de vieillissement dans des fûts un peu partout dans la province. Plusieurs distillateurs de la nouvelle vague ayant lancé leurs activités au cours des trois dernières années attendent patiemment que leurs spiritueux atteignent une allégation d’âge légale ou un niveau de maturation à leur goût. 

C’est le cas de la distillerie BluePearl, de Menaud ou encore de la distillerie Côte des Saints, à Mirabel. Cette dernière s’est dotée d’installations de grande qualité pour sa future production de whisky. Quand on parle de vieillissement, la jeune industrie québécoise a assurément un avenir prometteur!