Entrevue avec Jonathan Roy, président de l’Union québécoise des microdistilleries (UQMD) et copropriétaire de la Distillerie Fils du Roy (Saint-Arsène).
Cette surtaxe correspond aux frais de distribution de la Société des alcools du Québec (SAQ). Quand la SAQ vent un de nos produits, elle le teste en laboratoire, fait un suivi pour les étiquettes, nous aide et distribue notre produit d’un bout à l’autre de la province. Ça vient avec un coût et c’est tout à fait juste. Là où ça devient anormal, c’est qu’on paie ces mêmes frais quand on vend nos produits directement dans notre boutique à la distillerie. On prend nos bouteilles dans notre entrepôt, on les met sur nos tablettes, on paie des employés qui accueillent les clients et on doit quand même payer des frais à la SAQ. Ça devient extrêmement cher payé pour vendre chez nous!
Je vous donne l’exemple de notre gin Rocher Malin. On le vend 45$. La surtaxe de la SAQ représente 20,19$. Comme on paie aussi plusieurs autres taxes (TPS, TVQ, taxe canadienne sur l’alcool, taxe d’accise), je reçois 14,26$ pour chaque bouteille vendue à la distillerie.
Pour le gouvernement, c’est peu d’argent. Pour nous, ce montant qu’on doit payer à la société d’État fait toute la différence du monde entre une entreprise rentable et une entreprise qui survit de peine et de misère. La réglementation actuelle est prohibitive, faite pour décourager les gens de produire de l’alcool. Et ça marche!
« On pense qu'au Québec, la prohibition d’alcool c’est de l’histoire ancienne… mais on n’en est pas totalement sorti! Les lois actuelles découragent la production et la vente de spiritueux. »
On est à peu près tous en mode survie, en attendant que la réglementation change. L’UQMD représente 50 distilleries québécoises qui travaillent avec un alambic, qui font le travail d’artisan. Le nombre de ces petites distilleries est à la hausse. Plus il y a de distilleries qui ouvrent, plus ça devient difficile de survivre. Il y a de la place pour toutes, mais si ça ne change pas, oui, on va voir des distilleries fermer prochainement.
L’abolition de la surtaxe nous permettrait d’embaucher de la main-d’œuvre [pour les ventes à la distillerie]. Le manque à gagner nous prive d’employés. On aurait par exemple besoin de trois employés supplémentaires pour accueillir les clients l’été. Ça nous laisserait du temps pour organiser des activités et proposer des projets d’agrotourisme qui permettraient de faire découvrir les distilleries à travers le Québec.
Si on avait plus de revenus, ça nous permettrait aussi d’ouvrir la boutique à l’année et d’être autonomes dans la création de notre alcool. Pour le moment, plusieurs distilleries achètent de l’alcool (au lieu de le fabriquer) parce que ça demande moins d’équipement, moins d’employés et moins d’investissements.
Oui, bien sûr! On a vu avec la pandémie que les gens s’intéressent à l’agrotourisme, au circuit court. Nous sommes des passionnés, nous aimons leur faire découvrir nos produits, nos régions. La SAQ offre en magasin les nouveautés des distilleries québécoises et ça crée un engouement. C’est bien, ça fait connaître l’industrie, c’est une belle carte de visite, mais une fois cette première vague passée, on n’a pas de commandes mensuelles fiables de la SAQ. On aimerait donc pouvoir vendre nos bouteilles chez nous sans être pénalisés.
On demande que la réglementation change rapidement. On est une jeune industrie, on a le vent dans les voiles. Si on ne veut pas que le bateau se dirige sur un gros rocher, il faut agir. Dans les cinq dernières années, on a vu toutes les provinces ajuster leur réglementation. Bientôt, les alcools d’ailleurs au Canada seront offerts ici à moindre coût et on sera incapables de les concurrencer. Le temps presse.