Blog
Cher payé pour vendre chez nous! (French only)
Sophie Allard
Oct 18, 2021
Fils Du Roy
Photo by:
Charles Briand

Entrevue avec Jonathan Roy, président de lUnion québécoise des microdistilleries (UQMD) et copropriétaire de la Distillerie Fils du Roy (Saint-Arsène).

Vous devez payer une surtaxe moyenne de 52% sur les produits vendus directement à la distillerie. Pourquoi?
A.

Cette surtaxe correspond aux frais de distribution de la Société des alcools du Québec (SAQ). Quand la SAQ vent un de nos produits, elle le teste en laboratoire, fait un suivi pour les étiquettes, nous aide et distribue notre produit dun bout à lautre de la province. Ça vient avec un coût et cest tout à fait juste. Là où ça devient anormal, cest quon paie ces mêmes frais quand on vend nos produits directement dans notre boutique à la distillerie. On prend nos bouteilles dans notre entrepôt, on les met sur nos tablettes, on paie des employés qui accueillent les clients et on doit quand même payer des frais à la SAQ. Ça devient extrêmement cher payé pour vendre chez nous!

Concrètement, quel montant vous revient après toutes les déductions?
A.

Je vous donne lexemple de notre gin Rocher Malin. On le vend 45$. La surtaxe de la SAQ représente 20,19$. Comme on paie aussi plusieurs autres taxes (TPS, TVQ, taxe canadienne sur lalcool, taxe daccise), je reçois 14,26$ pour chaque bouteille vendue à la distillerie.

Pour le gouvernement, cest peu dargent. Pour nous, ce montant quon doit payer à la société d’État fait toute la différence du monde entre une entreprise rentable et une entreprise qui survit de peine et de misère. La réglementation actuelle est prohibitive, faite pour décourager les gens de produire de lalcool. Et ça marche!

« On pense qu'au Québec, la prohibition dalcool cest de lhistoire anciennemais on nen est pas totalement sorti! Les lois actuelles découragent la production et la vente de spiritueux. »

Jonathan Roy
En raison de cette surtaxe, est-ce que des distilleries pourraient fermer?
A.

On est à peu près tous en mode survie, en attendant que la réglementation change. LUQMD représente 50 distilleries québécoises qui travaillent avec un alambic, qui font le travail dartisan. Le nombre de ces petites distilleries est à la hausse. Plus il y a de distilleries qui ouvrent, plus ça devient difficile de survivre. Il y a de la place pour toutes, mais si ça ne change pas, oui, on va voir des distilleries fermer prochainement.

Que feriez-vous avec l’argent s’il restait dans vos poches plutôt que d’aller dans les coffres du gouvernement?
A.

Labolition de la surtaxe nous permettrait dembaucher de la main-d’œuvre [pour les ventes à la distillerie]. Le manque à gagner nous prive demployés. On aurait par exemple besoin de trois employés supplémentaires pour accueillir les clients l’été. Ça nous laisserait du temps pour organiser des activités et proposer des projets dagrotourisme qui permettraient de faire découvrir les distilleries à travers le Québec.  

Si on avait plus de revenus, ça nous permettrait aussi douvrir la boutique à lannée et d’être autonomes dans la création de notre alcool. Pour le moment, plusieurs distilleries achètent de lalcool (au lieu de le fabriquer) parce que ça demande moins d’équipement, moins demployés et moins dinvestissements.

Les Québécois apprécient-ils les produits des distilleries d’ici?
A.

Oui, bien sûr! On a vu avec la pandémie que les gens sintéressent à lagrotourisme, au circuit court. Nous sommes des passionnés, nous aimons leur faire découvrir nos produits, nos régions. La SAQ offre en magasin les nouveautés des distilleries québécoises et ça crée un engouement. Cest bien, ça fait connaître lindustrie, cest une belle carte de visite, mais une fois cette première vague passée, on na pas de commandes mensuelles fiables de la SAQ. On aimerait donc pouvoir vendre nos bouteilles chez nous sans être pénalisés.

Qu’attendez-vous du gouvernement?
A.

On demande que la réglementation change rapidement. On est une jeune industrie, on a le vent dans les voiles. Si on ne veut pas que le bateau se dirige sur un gros rocher, il faut agir. Dans les cinq dernières années, on a vu toutes les provinces ajuster leur réglementation. Bientôt, les alcools dailleurs au Canada seront offerts ici à moindre coût et on sera incapables de les concurrencer. Le temps presse.

Photo by:
Charles Briand