Comme dans toute boisson, l’eau est essentielle à tout spiritueux. Et même si le commun des mortels a parfois tendance à l’oublier, ses propriétés varient selon sa provenance.
« L’eau, ce n’est pas juste une molécule d’H20. C’est une solution avec des minéraux et des composés chimiques », résume Guyaume Parenteau de la distillerie Wabasso, à Trois-Rivières.
En distillerie, l’eau est utilisée à plusieurs étapes cruciales : le maltage, la macération ou encore la dilution. La composition chimique et la présence de minéraux comme le magnésium ou le calcium, pour ne nommer que ceux-là, viennent influencer chacune de ces étapes.
« Ce sont les minéraux qui donnent du caractère et de la texture à l’eau », précise Francis Bluteau, cofondateur de la distillerie BluePearl, à Montréal.
Pour cette raison, l’eau du robinet est peu intéressante. « L’eau de la ville est souvent privée de beaucoup de ses éléments et, en plus, on y ajoute du chlore. Pour l’utiliser, il faut donc déchlorer l’eau, l’ioniser, la filtrer et la rendre stérile », souligne Guyaume Parenteau.
De plus, cette eau traitée a un pH acide, ce qui peut provoquer l’oxydation des aromates sauvages (qui entrent dans la fabrication d’alcools comme le gin) et en diminuer le goût. « En utilisant une eau de source, on est certains d’avoir un pH et une minéralogie parfaits », précise Guyaume Parenteau.
Ça coule de source
Avant de se retrouver dans la nappe phréatique et d’être puisée, l’eau de source a percolé pendant des années, voire plusieurs siècles, à travers des couches géologiques épaisses qui agissent comme des filtres et lui donnent ses minéraux.
Pour la fabrication de ses alcools, dont ses gins, Wabasso fait appel à l’eau de source Radnor, fièrement récoltée à proximité de ses installations, dans le village de Saint-Maurice.
La distillerie BluePearl, elle, n’hésite pas à faire venir une eau puisée sur la Côte-Nord, à Baie-Comeau plus précisément, pour la fabrication de sa vodka Aupale. « C’est la meilleure eau qu’on a goûtée, avec une texture veloutée, la plus intéressante selon nous pour la vodka », explique Francis Bluteau, qui la décrit comme « citronnée et herbacée ».
BluePearl emploie un camion-citerne pour transporter le précieux liquide utilisé au moment de la dilution, lorsqu’on fait passer le taux d’alcool de la vodka de 60 à 40 %.
« Ce sont des coûts supplémentaires, mais la qualité de ton eau est directement liée à la qualité de ton produit final. »
Le transport représente un certain défi puisque l’eau peut se contaminer rapidement. Il faut donc s’assurer que le délai entre le puisage à la source et la dilution à la distillerie soit court. Dans le cas de la distillerie BluePearl, on vise une fenêtre de 24 à 36 heures.
Il ne suffit pas d’avoir une eau de qualité, encore faut-il savoir la manipuler, prévient Guyaume Parenteau. Une eau trop brassée sera plus oxygénée et aura donc tendance à oxyder les aromates et à réduire les notes de dégustation.
« C’est vraiment une question d’équilibre, comme lorsqu’on fait une vinaigrette. De facto, les alcools et les huiles essentielles qui composent le gin forment une solution. Le danger de briser sa stabilité est toujours présent. Il faut prendre son temps à chaque étape », insiste le cofondateur de Wabasso.
Les eaux d’ici
De l’avis des distillateurs, le Québec, qui renferme à lui seul 3 % des réserves d’eau douce renouvelables de la planète, est un endroit de prédilection pour l’or bleu. « En termes de qualité des eaux de source, on n’a rien à envier à personne », statue Guyaume Parenteau.
Francis Bluteau abonde dans le même sens. « Théoriquement, quand tu veux faire des spiritueux, tu as besoin de deux choses : une matière première de qualité et une bonne eau. Je pense qu’on est choyés dans les deux catégories. »
Si l’eau est essentielle à la création des spiritueux, elle peut aussi influencer la dégustation à la maison. Astuce : fabriquez vos glaçons à partir d’eau de source. Votre expérience gustative en sera bonifiée!