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Marchés publics : les distilleries artisanales persona non grata (French Only)
Sophie Allard
Nov 11, 2021
Événements
Photo by:
Charles Briand
Quelle demande avez-vous pour le gouvernement?
Frédéric Bougie

En tant que producteurs artisans, nous voulons pouvoir offrir nos spiritueux dans les marchés publics. À la Miellerie King, nous produisons du miel, mais aussi des hydromels en bouteille, des hydromels fruités en cannette, des mistelles et, depuis peu, des spiritueux faits avec notre miel. Nous pouvons vendre tous ces produits dans les marchés publics, à lexception de nos spiritueux. La vente dune liqueur à 40 % dalcool est permise parce quelle est sucrée, mais pas la vente de spiritueux. Cest une injustice et les clients, qui en demandent, ne comprennent pas pourquoi cest interdit.


Quels sont les arguments du gouvernement pour justifier cette interdiction?
Frédéric Bougie

Au gouvernement, on nous dit que la présence de spiritueux en bouteille dans les marchés publics permettrait aux gens vulnérables davoir accès plus facilement à de lalcool. Je vends des produits de niche, coûteux : je vends une bouteille de 500 ml à 48 $. Nest-ce pas plus accessible dacheter une bouteille de 750 ml de vodka à 25 $ à la SAQ?

On avance aussi que la vente de spiritueux ferait perdre de largent à la SAQ. Mon produit nest même pas vendu à la SAQ! Comme nous sommes une distillerie artisanale, nous ne payons pas de redevance sur les ventes en distillerie, contrairement à nos collègues qui ont un permis industriel. Si je vendais plus de bouteilles, je paierais plus de taxes de vente et de taxes dassises, et je contribuerais davantage à lactivité économique et à lagrotourisme de ma région!

Pourquoi est-il important de vous faire entendre maintenant?
Frédéric Bougie

La Directive sur les marchés publics de la Régie des alcools, des courses et des jeux est mise à jour et votée aux deux ans. Les gens du ministère de l’Économie et de lInnovation sont en train de statuer sur la directive de 2022-2023. Cest un moment idéal pour faire valoir notre point puisque les discussions ont cours et que la porte est ouverte. Il y a un flou sur la vente dalcools forts, la réglementation est archaïque et ils peuvent y remédier rapidement.

Pourquoi est-ce important de pouvoir vendre vos spiritueux en bouteille dans les marchés publics?
Frédéric Bougie

Comme plusieurs de nos collègues microdistillateurs artisans, nous sommes situés loin des grands centres, à Kingsey Falls, dans la région du Centre-du-Québec : au centre de tout et au milieu de nulle part! Notre présence dans les marchés publics, comme le Marché de Noël allemand de Québec, nous donne une bonne visibilité. Si on pouvait y offrir des spiritueux, les clients connaîtraient nos produits et seraient ensuite intéressés à se déplacer à la distillerie.

La production artisanale dun spiritueux est limitée et coûteuse : à plein régime, je peux produire au maximum de 1500 à 2000 bouteilles par mois. La fermentation du miel, tout comme celle du sirop d’érable ou des petits fruits par exemple, dure plusieurs jours. Je ne peux pas aller plus vite. On mise sur la qualité et lexpérience. Comme on ne vend pas à la SAQ et quil est interdit de vendre en ligne, une présence dans les marchés serait une occasion en or de faire goûter et de vendre nos produits en saison morte (sans que les gens doivent se déplacer chez nous) et ainsi daugmenter nos revenus.

Cette interdiction de vendre dans les marchés publics a-t-elle un impact sur votre région?
Frédéric Bougie

Cest sûr et certain! En intéressant les clients des marchés, ça créerait un engouement pour nos distilleries, nos installations, nos régions. On les inviterait à venir nous visiter durant l’été. Le but est de faire en sorte que les gens restent plus quune journée dans la région et participent ainsi à l’économie locale en allant dormir dans les environs, consommer au restaurant, faire des achats à l’épicerie.

En empêchant la vente de spiritueux dans les marchés publics, empêche-t-on le développement des distilleries artisanales?
Frédéric Bougie

Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli, mais ce serait tellement plus facile si on mettait à jour la réglementation. Ça favoriserait les artisans et les touristes, et ce serait une occasion de plus de contribuer à lessor des régions. Oui. De notre côté, nous sommes des producteurs de miel à la base.

On a commencé à faire de lhydromel, des liqueurs et, après, des spiritueux. C’était une suite logique. On na jamais voulu obtenir un permis industriel, ça ne cadre pas avec notre mentalité. Nous sommes des artisans, mais cest un vrai chemin du combattant.

Le saviez-vous?

Pour obtenir un permis de production artisanale, le demandeur doit être reconnu comme un producteur agricole et doit produire son alcool à partir des matières premières issues de son exploitation agricole.